Au deuxième étage du commissariat, l’inspecteur Eddahbi était entrain d’interroger Hayat, tandis qu’un adjoint tapait à la machine les réponses de cette dernière :
_ Nom et prénom ?
_ Hayat Benhoud
_ Date de naissance ?
_ 2 février 1985
_ Lieu de naissance ?
_ Meknès
_ Depuis quand êtes-vous au service des Sedrati ?
_ Depuis 2005
_ De quoi consiste votre travail ?
_ Au début, j’accompagnais madame dans ses déplacements lorsqu’elle était enceinte. Après la naissance de Nisrine, je m’occupe de la fille et je fais le ménage.
_ Est-ce que vous habitez chez la famille Sedrati ?
_ Oui, et j’ai une chambre juxtaposée avec celle de Nisrine.
_ Avez-vous des soirées libres pour visiter votre famille ?
_ Non, je n’en ai pas ; d’ailleurs, ma famille habite à Meknès. Une fois tous les deux mois, mon père me rend visite.
_ A propos de madame Sedrati, est-ce qu’elle avait un emploi ?
_ Non, mais elle sortait presque tous les jours.
_ Pouvez-vous nous préciser ou elle allait ?
_ Au début, quand je l’accompagnais, elle allait à la clinique, puis au coiffeur, ensuite au super marché pour faire des courses. Après, je n’ai aucune idée au sujet de ses déplacements.
_ Est-ce qu’elle recevait des visites ?
_ Oui, quelques fois
_ Est-ce les mêmes personnes ?
_ Non, pas forcément ; mais…
_ Mais, quoi ?
_ Il y avait quelqu’un qui lui rendait visite assez souvent ; je dirai au moins deux fois par semaine.
_ Qui était-ce ?
_ Il était assez grand, chauve et portait des lunettes.
_ Comment s’appelle-t-il ?
_ Je crois qu’un jour elle lui a dit : Hicham
_ En êtes-vous sûr ?
_ Certaine !
_ Et le nom de famille, ça ne serait pas par hasard Elouafi ?
_ Je ne sais pas
Dites-moi : cet homme lui rendait visite en présence de monsieur Sedrati ?
La bonne réfléchit quelques instants :
_ Non, jamais .Il lui rendait souvent visite tout juste quand monsieur allait à la banque.
_ Donc, ils ne se sont jamais croisés.
_ Oui, approuva Hayat
En ce moment là, l’inspecteur Halabi fit son entrée :
_ Bonjour Hayat, l’apostropha –t-il, je vois que vous êtes ponctuelle.
Puis, il s’approcha du rédacteur pour lire la déposition de la servante ; tandis que l’inspecteur Eddahbi poursuivit son interrogatoire :
_ Si je vous montre une photo, pouvez reconnaître si c’est le visiteur de madame ?
La bonne consentit par un hochement de tête.
Juste un simple regard lui suffit pour crier tout haut :
_ C’est lui, Hicham !
L’inspecteur Halabi accourut vers elle :
_ En êtes-vous sûre ?
_ Comme je vous vois.
_ Merci, Hayat
A présent, nous allons éclaircir certains points : Est-ce que madame allait chez le même coiffeur ?
_ Oui, il est juste à une centaine de mètres de la villa
_ Bien entendu, ajouta Halabi, vous le connaissez !
_ Qui ?
_ Le coiffeur
_ Oui, c’est le cousin de madame .
_ Et il s’appelle ?
_ Oualid Hamdi
_ Est-il marié ?
_ Non !
_ Quel âge a –t-il ?
La bonne fit manipuler ses doigts et dit :
_ Quarante huit ans
_ Oh la la ! s’exclama l’inspecteur Aïssam, serait-ce l’amant de madame ?
Hayat regarda son interlocuteur avec admiration et ne manqua pas de révéler qu’il avait tout à fait raison. Et d’ajouter :
_ Ecoutez inspecteur si vous me promettez que cela ne sera pas écrit dans ma déclaration, je vous dirai tout.
_ Ok, c’est parti
Puis à l’inspecteur Eddahbi : dites à votre adjoint de ne rien taper jusqu’à nouvel ordre !
On vous écoute, mademoiselle Hayat
Cette dernière dit aussitôt : pour être franc avec vous, j’étais sa confidente …enfin pour ce qui concerne cette relation .
_ Que vous confiait-elle au juste ?
_ Elle s’échangeait des lettres avec le coiffeur .
_ Et bien entendu, vous étiez le facteur !
_ Hum
_ Vous avez sûrement lu le contenu de quelques lettres !
La bonne baissa son regard, l’air gêné.
_ Peut-être que c’est un vilain défaut de fourrer son nez dans les affaires des autres ; mais il y a des fois, ça peut aider à découvrir la vérité.
Alors, de quoi ils se parlaient ?
_ Il ne cessait de lui dire qu’il l’aimait et qu’il voudrait l’épouser.
_ Lui ? Et elle, que répondait-elle ?
_ Que c’était impossible pour le moment .
_ Quoi d’autres a part ce jeu de Roméo et Juliette ?
_ Je ne comprends pas, avoua-t-elle
La servante s’écria aussitôt :
_ Vous m’épatez de plus en plus monsieur l’inspecteur ! C’est vrai, ils parlaient un peu de ça .
Tenez, j’ai gardé une lettre de Oualid que je m’apprêtais à lui remettre la veille de son assassinat.
_ Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
Hayat hésita avant de vociférer ces quelques mots :
_ C’était les ordres de madame : je ne devais lui remettre les messages de son amant que si nous serions seules à seule
_ Bien entendu, il y a Nisrine.
_ C’est ça ,avoua-t-elle .
_ Vous l’avez lue ?
_ Non, pas encore ; je vous le jure !
_ D’accord, conclut l’inspecteur, tout à l’heure, je viendrai vous voir à la villa et vous me la remettez.
_ Allez, venez signer votre déposition, l’invita l’inspecteur Eddahbi.
Sur ce, la servante quitta les lieux ; tandis que Halabi sonna le brigadier en faction devant la porte :
_ Allo, ici Halabi, une femme va sortir du commissariat d’un moment à l’autre ; faites-la suivre par l’un de nos gars et qu’il veille bien à ne pas la perdre de vue .
Puis, il raccrocha.
Quelques minutes après, l’inspecteur Aïssam monta dans sa voiture : direction la morgue